La tempête

Les années 2070 sur Terre furent marquées par de multiples crises qui secouèrent l’ordre et la paix mondiale. La fin des énergies fossiles, la raréfaction des ressources et des matériaux critiques pour les technologies de pointe plongèrent l’économie et l’industrie mondiale dans la tourmente. Le réchauffement climatique, n’ayant pu être suffisamment endigué, ne fit qu’accentuer les tensions grandissantes en provoquant des catastrophes climatiques violentes et des déplacements de populations importants, ajoutant à tout cela une crise sociale planétaire.

Partout dans le monde, des blocs se formèrent, les radicaux de tous bords montèrent en puissance et l’humanité devint une poudrière prête à basculer dans une nouvelle guerre mondiale. Pour autant, malgré des tensions toujours plus grandes, aucun bloc n’osa franchir le pas d’un conflit armé.

Afin d’éviter un affrontement et de pallier le manque de ressources précieuses tout en contournant le protectionnisme des puissances dominantes, certains blocs se tournèrent vers la conquête spatiale. l’Europe et la Ligue Arabe suivant leurs rivaux américains et asiatiques, établirent respectivement des bases permanentes sur la Lune ainsi que les premières stations d’exploitation minière spatiale.

Bien que coûteuse, l’exploitation des astéroïdes permit aux deux blocs de ne pas être dépendants de leurs rivaux. Toutefois, en amorçant ainsi l’exploitation minière spatiale, ils relancèrent la course à l’espace. L’exploitation des astéroïdes étant jugée trop hasardeuse, Américains et Chinois se tournèrent davantage vers l’exploitation minière de Mars et y établirent, dès les années 2090, les premières bases permanentes pour en extraire ses précieuses ressources. Cette initiative accentua la rivalité entre les deux puissances, qui bataillèrent pour le contrôle total de la planète rouge.

Le portail

En 2096, alors qu’une guerre menaçait d’éclater sur Terre, les agences spatiales du monde entier détectèrent un phénomène anormal. À environ 500 000 kilomètres de la planète, une anomalie physique inexpliquée fut observée. « Une sorte de trou noir qui n’en est pas un », résuma maladroitement le directeur de la NASA de l’époque. En effet, à l’instar d’un trou noir, l’anomalie absorbait la lumière, mais elle n’exerçait aucun effet gravitationnel et ne semblait pas affectée par l’attraction terrestre. Ce mystère, défiant toutes les lois de la physique élémentaire telles que l’humanité les concevait, laissa les scientifiques sans explication quant à son origine ni à son éventuelle dangerosité. Des sondes furent donc envoyées pour l’étudier.

À la suite d’une erreur de trajectoire, l’une des sondes d’observation termina sa course au cœur du vortex de l’anomalie. À la surprise générale, alors qu’on la croyait détruite, elle continua d’émettre. L’équipe de la NASA, chargée de l’étude du phénomène, tenta de la faire sortir du vortex.

Cet incident resta dans l’histoire comme l’une des plus grandes découvertes accidentelles de l’humanité, tant ses répercussions furent importantes. En effet, bien que la sonde réapparût ce jour-là, elle ne se trouvait plus dans le système solaire terrestre, mais dans un autre système, à une distance inconnue de son point d’origine. Les tests réalisés par la suite démontrèrent qu’un voyage en arrière était également possible et que, selon le temps passé dans le vortex, la destination de ce qui le traversait changeait. Dans chacun de ces nouveaux systèmes, sans exception, les scientifiques découvrirent une exoplanète habitable pour l’espèce humaine.

Cette énigme, qui mit à rude épreuve les chercheurs de l’époque et demeure encore inexpliquée, bouleversa le destin de l’humanité et donna naissance à de nombreuses théories sur son origine et sa finalité.

Le culte de l’Espoir

L’une de ces théories va d’année en année prendre de l’ampleur. Face à ce phénomène que les scientifiques sont incapables d’expliquer, certains croyants y voient un acte Divin, la providence de dieu venant au secours de sa création. “L’Espoir” comme ils baptisèrent l’anomalie est considéré comme un miracle par des fidèles de plus en plus nombreux. Si dans un premier temps les principales religions Terriennes accueillent cette théorie avec une certaine bienveillance. L’absence de consensus au sein des plus hautes instances des différentes autorités religieuses quant à la qualification de l’Espoir, finit par avoir raison de leur bienveillance sur ce sujet. Ainsi, face à l’engouement de cette théorie rivalisant avec leurs traditions et leur influence, toutes finirent par rejeter la théorie de la providence et déclarèrent une à une le culte de l’Espoir comme une hérésie.

Pour nombre de croyants reconnaissant l’Espoir comme un signe divin, cette défiance et ce rejet fut vécue comme une trahison et la preuve selon eux de la corruption des différentes institutions religieuses à travers le monde. Ces décisions unilatérales et souvent indépendantes de décisions d’états provoquèrent des troubles dans de nombreux pays. Les adeptes de l’espoir, galvanisés par des prédicateurs opportunistes devinrent de plus en plus radicaux, créant des schismes au sein des principales religions monothéistes terriennes. Finalement, en 2100, les adeptes issues des différentes mouvances, décidèrent de fonder leur propre religion, presque 1500 ans après l’apparition de l’Islam, une nouvelle foi est fondée. Le Culte de l’Espoir n’est alors reconnu comme religion que par une poignée d'États laïques, dont le répression ferme face aux manifestations qu'elle soulève sera vécue par ses adeptes comme la même répression qui sévit dans les États non laïques à leur égard.

Ruée vers l’or

Les possibilités infinies offertes par l’Espoir permirent de réduire la tension sur Terre ; grâce à la découverte de cet Eldorado, la guerre mondiale pour les ressources stratégiques n’eut définitivement jamais lieu. La rivalité toxique et quasi-existentielle laissa place à une course à la colonisation menée en bonne entente. La prospection des exoplanètes, jugée superflue du fait de leur nombre considérable, n’engendra aucun conflit quant à leur répartition.

Les premières colonies humaines furent fondées dès 2115, à savoir Praxis, Eden et Al Séa. Très vite, les États ne furent plus les seuls à s’intéresser à la colonisation de nouveaux mondes. Des permis d’exploitation et d’installation furent ainsi délivrés à de grandes entreprises pour y lancer des missions d’extraction. Ces autorisations leur conférèrent une liberté totale et un pouvoir considérable sur les sites établis, dans le respect des lois de leurs pays respectifs. Fortuna, établie par la Compagnie de Jade, entreprise d’exploitation minière chinoise, fut le premier site de ce type à voir le jour en 2117.

Si les coûts d’exploitation des ressources et leur acheminement vers la Terre restèrent élevés, leur prix, paradoxalement, ne cessa de baisser. Désormais indexés sur les coûts d’exploitation et de production, et non plus sur une rareté désormais dénuée de sens, ces prix en chute contribuèrent à faire disparaître la crise économique mondiale liée aux ressources et permirent à la Terre de renouer avec la croissance.

Quant aux missions coloniales, elles ne peinèrent pas à trouver des candidats pour ces nouveaux mondes. Que ce fût par goût de l’aventure, pour fuir les catastrophes climatiques ou pour échapper aux persécutions, nombreux furent ceux qui postulèrent pour un départ vers une nouvelle vie pleine d’espérance. La population terrienne ne fit qu’entrer dans une phase de déclin pendant trente ans, la courbe des naissances, dans tous les pays, ne parvenant jamais à enrayer la décroissance démographique provoquée par cette nouvelle “ruée vers l’or”.

Conscients que le rapport de dépendance était en train de s’inverser – les colonies gagnant de plus en plus en autonomie par rapport à leur pays d’origine – des quotas et des réglementations plus strictes quant aux subventions allouées furent imposés. Pour autant, même si l’idée fut parfois évoquée, aucune colonie ne s’engagea dans une guerre d’indépendance, à l’exception d’une seule.

Fuyant les persécutions sur Terre liées à leurs croyances et considérant même le passage par l’Espoir comme un pèlerinage, nombreux furent les fidèles du culte de l’Espoir qui choisirent d’émigrer. Bien qu’ils fussent présents sur la quasi-totalité des mondes habités hors de la Terre, c’est sur Eden – première colonie américaine – que leur présence fut la plus marquée. Les cultistes, d’ailleurs si nombreux par delà l’anomalie, représentèrent la majeure partie des croyants extra-terriens de l’époque. Leur influence grandissante sur ces nouveaux mondes les poussa à tenter de prendre le contrôle complet et à déclarer l’indépendance d’Eden en 2149. L’histoire de la Théocratie d’Eden fut des plus éphémères : les États-Unis, appuyés par une coalition de pays craignant une contagion sur leurs propres dépendances, débarquèrent quelques mois seulement après pour reprendre le contrôle de la colonie. Eden reprise, une force de garnison importante et lourdement armée fut stationnée sur place afin de garantir la mainmise sur ce territoire si précieux.

Cette intervention armée, rapide et d’envergure, fut couplée à l’invention du moteur hyperspatial sur Terre – ouvrant ainsi la voie au voyage interplanétaire – et dissuada définitivement toute volonté indépendantiste des colonies jusqu’à la Rupture.

La Rupture

Aussi soudaine que fut son apparition, la cause de la disparition de l’Espoir (2155) resta inconnue, mais son impact fut tel que les historiens en vinrent à désigner cet événement sous le nom de « La Rupture » : le jour tragique où le lien avec la Terre, planète natale de l’espèce humaine, fut irrémédiablement rompu. De nombreuses colonies terriennes, encore dépendantes des vivres, médicaments et carburant de la Terre, peinèrent à survivre. Bon nombre des colonies les plus fragiles et les plus récentes disparurent, incapables de subsister sans l’aide de leur patrie. Même les colonies les plus robustes et les mieux développées ne furent pas épargnées : famine, guerres civiles et épidémies mirent leur existence à rude épreuve.

La technologie du voyage interplanétaire, encore très récente à l’époque, limitait considérablement les échanges entre les différents mondes humains de la galaxie. Lors de la Rupture, il ne se trouvait de ce côté-ci de l’Espoir qu’une poignée de vaisseaux équipés d’un tel moteur. Il fallut attendre plusieurs années, le déploiement d’usines de pointe et la fabrication de nouveaux vaisseaux et moteurs avant que l’humanité ne puisse à nouveau voyager efficacement entre les étoiles.

Tout comme lors de son apparition, les adeptes du culte de l’Espoir virent dans la Rupture un nouveau message divin. Cet événement conforta les cultistes dans leur conviction : pour eux, la fermeture de l’Espoir, survenue peu de temps après l’invasion d’Eden et accompagnée de l’adoption de lois restrictives à leur encontre, ne pouvait être le fruit du hasard. Pour la nouvelle foi, le portail avait été fermé pour punir les corrompus de la Terre, et le message du créateur était limpide : leur temps était venu.

De plusieurs, un

Désormais émancipées de la tutelle terrestre et capables de voyager entre les étoiles grâce aux nouveaux vaisseaux interplanétaires, les anciennes colonies européennes formèrent en 2162 la première fédération interplanétaire de l’histoire humaine : l’Union des Planètes. Celle-ci devint un moteur de survie pour de nombreuses populations en difficulté, grâce à sa flotte de vaisseaux de transport interplanétaires. Sa position dominante, fondée sur sa maîtrise du voyage interplanétaire et sa vaste flotte, propulsa tant son économie que son industrie.

L’accueil de toujours plus de planètes dans ses rangs eut pour conséquence de plonger l’Union dans une instabilité politique croissante. Attachée farouchement à ses principes démocratiques et d’équité, elle se trouva progressivement incapable de faire coexister les différents mondes qui la composaient. Confrontée à des problèmes culturels, idéologiques, économiques et parfois religieux, elle ne parvint pas à reconnaître l’évidence : l’Union était devenue trop grande. Dans leur quête pour satisfaire tout le monde, les politiques finirent par ne satisfaire personne.

Lydia Duval, célèbre auteure Laerienne, déclara alors : « Ce qui était au départ un bloc fraternel s'est transformé en un groupuscule de voisins aigris se disputant sur la couleur du grillage tandis que la maison brûle. » Cette remarque illustrait parfaitement les querelles internes ridicules de l’Union, qui ne vit pas la catastrophe approcher.

La seule vraie foi

L’Union ne fut pas la seule puissance à retrouver la maîtrise du voyage interplanétaire. Si, dans un premier temps, sa domination dans ce domaine fut incontestable, elle fut rapidement dépassée. Sur Eden, ne pouvant plus compter sur d’éventuels renforts et ravitaillement depuis la Terre, la « Sainte Révolution » mit fin à la présence de la garnison américaine restée sur place. Désormais libres et disposant d’un arsenal de dernière génération conséquent, les habitants d’Eden entamèrent leur expansion au-delà de leurs frontières. S’appuyant sur la foi pour établir des alliances, Eden provoqua des soulèvements de fidèles chez ses voisins et intégra leurs mondes à son empire en pleine formation.

Sur certaines planètes, la « Sainte Révolution » avait déjà eu lieu avant même l’arrivée de représentants de la foi. Al Séa fut l’une d’entre elles et se démarqua des autres par la radicalisation de ses fidèles. Contrairement à Eden, après la Rupture les habitants d’Al Séa sombrèrent dans une guerre civile particulièrement sanglante, opposant diverses factions d’hérétiques, de non-croyants, de modérés et de fidèles. Lorsque, finalement, les fidèles du Culte remportèrent la victoire, ils imposèrent un régime théocratique des plus autoritaires : les vaincus furent exécutés pour les plus chanceux, ou réduits en esclavage.

Si l’action d’Eden fut, à ses débuts, subversive et indirecte, sans jamais engager de confrontation directe, les choses changèrent radicalement avec le rattachement d’Al Séa. Sous l’impulsion de l’Al-Séen Ismael Kourcharov, la Sainte Croisade fut déclarée et la Ligue d’Al Séa fut fondée dans ce but.

Pour Kourcharov, fraîchement désigné haut commandeur des croyants, les choses étaient limpides : la Rupture fut à la fois un châtiment et une bénédiction. Un châtiment pour les Terriens qui s’étaient détournés de la foi, mais une bénédiction pour les vrais fidèles, désormais libérés de la Terre maudite qui les avait tant persécutés. Il incombait au Culte de reconstruire une nouvelle civilisation plus pieuse et de détruire les obstacles qui se dressaient sur le chemin de ce formidable destin.

La formation de la Ligue d’Al Séa fut marquée par l’annexion brutale et sanglante de colonies ayant rejeté le Culte. Kourcharov posa les fondations de ce qui deviendrait le plus grand empire esclavagiste de l’histoire humaine. Les hérétiques, les infidèles et tout individu rejetant le Culte et ne respectant pas ses lois commirent, aux yeux d’Al Séa, un blasphème expiable uniquement par une vie de servitude au service de la foi. S’appuyant sur cette doctrine, sur la ferveur galvanisant ses fidèles et sur les armes américaines de dernière génération en sa possession, la Ligue d’Al Séa connut une expansion territoriale fulgurante, sans rencontrer de réelle résistance.

Prélude

Le premier contact entre l’Union et la Ligue eut lieu avec froideur et méfiance réciproque à partir de DATE_FIXE. Bien que l’Union disposât d’une force militaire bien inférieure à celle de la Ligue, cette dernière était pleinement consciente qu’une confrontation directe lui serait trop coûteuse pour une issue incertaine. Se concentrant d'abord sur la poursuite de ses conquêtes annexes, les Al-Séans renouèrent avec leurs pratiques subversives dans l’espoir de fragiliser leur rival de l’intérieur, attendant patiemment le jour où ils pourraient envahir l’Union comme on cueille un fruit mûr.

De son côté, l’Union se contenta de hausser parfois la voix face aux conquêtes militaires incessantes de son turbulent voisin. La perspective d’une invasion par les Al-Séans ne parvint pas à inciter ses membres à réagir de manière éclairée, ceux-ci étant déjà incapables de trouver un consensus sur des sujets simples. Le pouvoir fédéral de l’Union, qui avait constitué sa force à ses débuts, se fragmenta à partir de DATE_FIXE avec l’arrivée au pouvoir du Parti des Fidèles. De nombreuses planètes dénonçaient les irrégularités survenues lors des différents scrutins et ne toléraient pas qu’un parti prônant le rattachement à une puissance étrangère soit reconnu comme le second parti politique de l’Union. Cette contestation d’un résultat électoral, inédit depuis la création de l’Union, coïncida avec l’intolérance croissante à l’égard des fidèles du Culte au sein de celle-ci. Les fidèles, désormais armés, formaient des milices et des brigades de la foi, prêchant leurs dogmes parfois au mépris des lois de l’Union et se montrant de plus en plus agressifs sur un nombre croissant de planètes.

L’étincelle

Afin de faire face à la montée des tensions avec les milices du Culte, une poignée de planètes adoptèrent des lois locales anti-religieuses. Ces mesures, en contradiction avec les lois fédérales garantissant la liberté de culte, plongèrent l’Union dans une guerre juridique et légitimèrent les actions violentes des milices, qui y voyaient la résurgence de la répression terrienne à l’égard de leur foi.

La Ligue d’Al Séa, qui n’avait cessé de nourrir les braises du conflit, vit en ces lois un casus belli idéal. Avançant ses pions et mobilisant ses forces, le commandement Al-Séan prépara le terrain et échafauda plusieurs plans d’invasion dès le début de l’année DATE_FIXE. La ligue misait sur le déchirement de son rival, notamment autour des questions de liberté religieuse et de souveraineté, pour dissuader l’ensemble de l’Union d’entrer en guerre au moment où l’invasion débuterait.

Le DATE_FIXE, arguant qu’il lui incombait de protéger tous les fidèles de l’oppression, la Ligue d’Al Séa adressa un ultimatum à sept planètes de l’Union. Kourcharov misant sur la peur pour paralyser le reste de l’Union et faciliter ses conquêtes. Dans ce but, il imposa un embargo préventif sur l’ensemble de l’Union et concentra sa flotte aux frontières, précisant que seules ces zones seraient attaquées.

Début du conflit

Le DATE_FIXE, l’ultimatum arriva à expiration sans avoir reçu de réponse. Sans surprise, la Ligue d’Al Séa déclara la guerre aux sept planètes de l’Union. Confiants, les Al-Séans misaient sur une victoire rapide, ne laissant pas le temps au reste de l’Union de se mobiliser. Porto Solis tomba en à peine un mois, le DATE_FIXE. Galileo fut conquise le mois suivant, suivie de près par Olympus.

L’avancée fulgurante des armées Al-Séannes plongea l’Union dans la stupeur et la crainte. Malgré les appels désespérés des colonies attaquées, aucune aide militaire ne fut envoyée. Qu’il s’agisse de la propagande Al-Séanne dépeignant une oppression imaginaire de ses fidèles ou de la peur d’être écrasé par la puissance militaire de la Ligue, aucune colonie ne prit le risque d’un affrontement direct. Officiellement, on justifia cette inaction en arguant que ces mondes avaient bafoué les lois de l’Union et qu’il n’était pas nécessaire de risquer l’annexion pour leur venir en aide.

Dans l’ombre, pourtant, l’Union était paradoxalement en train de renaître. L’invasion soudaine força enfin une partie de ses membres à resserrer les rangs. Des sanctions économiques furent imposées à la Ligue d’Al Séa, tandis que les colonies encore indépendantes commencèrent à fournir du matériel et du ravitaillement aux planètes assiégées, sans toutefois oser intervenir militairement, les considérant déjà comme perdues. Consciente du danger, l’Union se lança dans un réarmement à marche forcée, espérant que, lorsque la Ligue aurait achevé ses conquêtes, elle serait dissuadée d’aller plus loin face à une armada prête à l’affronter.

Le mur Praxien

Praxis, la planète la plus peuplée de l’Union, refusa d’obtempérer à l’ultimatum de la Ligue et se retrouva assiégée. Sa position stratégique, ses ressources abondantes et son immense population en faisaient une cible de choix pour la Ligue d’Al Séa, avide de nouveaux serviteurs pour son empire esclavagiste. Trop confiant après une série de victoires éclatantes, le commandement Al-Séan sous-estima la résistance Praxienne ainsi que la préparation méticuleuse de ses défenseurs.

Contrairement aux colonies déjà annexées, Praxis disposait d’un arsenal nucléaire expérimental clandestin, vestige de l’ancienne armée française. Cet arsenal, loin d’être laissé à l’abandon, avait été discrètement renforcé bien avant le début du conflit, en prévision d’un affrontement inévitable. Lorsque la flotte Al-Séanne entama son siège en DATE_FIXE, prenant position en orbite, elle ne se doutait pas un instant du piège dans lequel elle venait de tomber.

Le DATE_FIXE, en quelques minutes seulement, la totalité de la flotte Al Séanne tenant le siège fut pulvérisée par l’explosion de mines spatiales déguisées en débris, chacune équipée d’une charge nucléaire. Pour la Ligue, amputée du tiers de ses forces, l’humiliation fut totale. Habituée à dicter sa loi sur le champ de bataille, la Ligue d’Al Séa n’avait jamais connu un tel revers. Il n’était désormais plus question de conquérir Praxis intacte : la Ligue renonça à toute approche « douce » et opta pour l’anéantissement afin d’en faire un exemple.

Le DATE_FIXE, une seconde flotte fut dépêchée vers Praxis. Cette fois, les Al-Séans prirent soin de scanner et de neutraliser les mines restantes en orbite avant d’entamer toute manœuvre. Confiant, l’amiral Baural ordonna à ses forces de se positionner pour lancer le bombardement. Mais, une fois encore, les Praxiens avaient une longueur d’avance.

Dissimulés parmi les débris spatiaux de la précédente bataille, des milliers de drones s’activèrent soudainement et foncèrent sur les vaisseaux ennemis. Il s’agissait des premiers drones kamikazes non explosifs de l’histoire : les « Cauchemar ». Conçus pour frapper à une vitesse extrême, ces drones furtifs n’étaient équipés ni d’explosifs ni d’armes conventionnelles, mais simplement d’un moteur subluminique et d’une tête en blindage renforcé. Leur objectif était aussi brutal qu’efficace : atteindre leur vitesse maximale et percuter des points précis du blindage ennemi. L’impact, conjugué à la vitesse phénoménale et à leur nombre, provoqua des brèches béantes dans les coques, laissant le vide spatial achever le travail.

Pris de court et subissant des pertes colossales, l’amiral Baural ordonna la retraite de sa flotte, échappant de justesse à une annihilation totale avec une poignée de vaisseaux rescapés. Ce second échec plongea la Ligue dans une fureur inédite. Être repoussée une fois était déjà inconcevable, mais fuir devant des hérétiques ? Impardonnable. Le DATE_FIXE, en guise d’exemple, Baural fut exécuté pour couardise, marquant un tournant décisif dans la guerre contre l’Union.

Le peuple honni

La double défaite d’Al Séa face aux Praxiens eut des conséquences inattendues et profondes. Privée de plus de la moitié de ses forces armées en l’espace de quelques mois, la Ligue décréta pour la première fois une mobilisation générale et lança une vaste campagne de conscription. Usant d’une propagande virulente, elle dépeignit les Praxiens comme des êtres impies et dégénérés, une menace qu’il devenait vital d’éradiquer. Accusés de satanisme, de crimes abjects, d’hérésie morale et d’infamies en tout genre, les Praxiens devinrent l’incarnation du mal absolu aux yeux des fidèles. Cette manipulation permit de transformer la guerre en une croisade, galvanisant les masses et justifiant l’effort de guerre total.

Le succès fut immédiat : en un temps record, Al Séa reconstitua et même surpassa sa force militaire initiale. Mais cette mobilisation ne fut pas sans conséquences. En vidant ses usines de jeunes ouvriers qualifiés pour les envoyer au combat, la Ligue mit en péril son propre tissu industriel. Refusant d’y employer des femmes, qu’elle considérait comme trop précieuses pour de telles tâches, elle se tourna vers les esclaves agricoles, les réquisitionnant pour alimenter la production de guerre et reconstruire sa flotte. Mais ce transfert de main-d’œuvre eut un effet désastreux : privé de bras pour les récoltes, le territoire Al-Séan sombra dans la famine.

Le mécontentement couvait déjà parmi les esclaves ; le travail forcé dans les usines et la pénurie alimentaire déclenchèrent une série de révoltes à travers la Ligue. Pour y faire face, Al Séa dut prélever des troupes de ses fronts actifs afin de rétablir l’ordre. Cette diversion imprévue allégea la pression sur ses ennemis, notamment les Praxiens, leur laissant un répit inespéré pour renforcer leurs défenses

L’offensive contre Praxis reprit vraiment le DATE_FIXE. Pendant neuf mois, la Ligue batailla avec acharnement avant de finalement réussir à poser le pied sur la planète assiégée. Mais ce succès fut chèrement payé. Les pertes, tant humaines que matérielles, s’accumulaient, aggravant les tensions internes et exacerbant la haine des fidèles envers leurs adversaires. Si les Praxiens infligèrent des pertes considérables à l’envahisseur, bien supérieures aux leurs, leurs infrastructures furent presque entièrement détruites. À la surface, les villes n’étaient plus que ruines et cendres. Les Praxiens, réfugiés dans un réseau tentaculaire de bunkers et de galeries souterraines, menaient une stratégie de guérilla implacable, ralentissant l’ennemi sans toutefois pouvoir l’arrêter totalement ni même le repousser.

La Générale Adria Lencova, en charge de la défense de Praxis, refusait toute idée de reddition, sachant pertinemment le sort funeste qui attendait son peuple en cas de défaite. Mais malgré l’appui militaire des trois autres colonies encore en guerre et les sanctions de l’Union contre Al Séa, la situation devenait critique. Praxis, lentement mais sûrement, était en train de perdre la guerre.

Déjà respectée avant le conflit, Lencova devint une figure emblématique de la résistance après ses victoires éclatantes contre la Ligue. Exploitant cette popularité grandissante, elle lança un appel désespéré non pas aux politiciens et aux diplomates de l’Union, mais directement aux peuples des autres planètes. Joignant à son message des preuves accablantes des atrocités commises par l’ennemi, elle leur intima de prendre leurs responsabilités, avertissant que le sort de Praxis serait bientôt le leur s’ils ne réagissaient pas.

Cette fois, son appel ne fut pas ignoré. Portée par une opinion publique de plus en plus favorable à une intervention, et désormais dotée d’une flotte de guerre redoutable, l’Union se mit à envisager sérieusement une riposte armée.

De cendre et chagrin

Le DATE_FIXE, alors que Praxis se trouvait dans une situation de plus en plus critique, la flotte de l’Union entra en action et débarqua en orbite autour de Praxis. La flotte Al Séanne, bien que prise de court, opposa une résistance farouche. Après des heures de combats violents, la flotte unifiée parvint à repousser l’ennemi et brisa le siège de la planète. Privées d’un soutien aérien et orbital, les troupes de l’envahisseur furent bombardées depuis l’espace et massacrées par l’infanterie débarquée à la surface. La libération de Praxis acta officiellement l’entrée en guerre de l’Union.

Jouissant d’une opinion publique favorable et bénéficiant d’un immense respect parmi les soldats de l’Union, Adria Lencova fut, tout naturellement, nommée Grand Amiral de la Flotte Unifiée.

À la tête d’une flotte désormais suffisamment puissante pour rivaliser avec la Ligue, la Praxienne s’employa, dans un premier temps, à libérer les planètes occupées par l’ennemi depuis le début du conflit. Olympus, conquise avant le premier assaut sur Praxis et qui s’était rendue sans résistance, fut libérée sans violence, la garnison Al-Séanne s’étant repliée peu après la levée du siège de Praxis. Bien qu’une partie des infrastructures ait été sabotée par l’occupant lors de son retrait en catastrophe, la population, épargnée, accueillit la flotte unifiée en sauveuse.

De même, Porto Solis et Galileo furent reprises sans affrontement, les Al-Séans ayant abandonné ces positions avant l’arrivée de l’armada. Toutefois, sur ces deux mondes, il n’y eut ni fanfare ni célébration. Ayant opté pour la résistance avant d’être écrasées, Les deux planètes ne bénéficièrent pas du traitement de faveur accordé à Olympus. Alors que le travail forcé et l’oppression étaient tristement bien connus sous l’occupation Al Séanne au sein de l'Union, la désolation absolue découverte sur place fut un véritable coup de massue. Cette fois-ci, les envahisseurs ne se contentèrent pas de saboter les infrastructures : profitant du temps supplémentaire dont ils disposaient, ils mirent en œuvre une destruction méthodique et totale. Le paysage apocalyptique découvert, encore en proie aux flammes, témoignait d’un récent bombardement orbital total. Les villes, transformées en champs de ruines, dissimulaient sous leurs décombres des rues entières jonchées de cadavres par milliers. Les dépouilles, alignées, confirmaient les témoignages des rares survivants de cette boucherie.

Peu avant leur départ, les Al-Séans avaient séparé la population : les vieillards, les invalides et les enfants furent alignés avant d’être exécutés en masse par les soldats Al-Séans. Le reste, jugé « valide », fut enchaîné et embarqué dans de nombreux vaisseaux de transport, vraisemblablement déporté pour être réduit en esclavage sur les mondes Al-Séans. Enfin, après avoir levé le camp, l’envahisseur entama sa basse besogne, pilonnant méthodiquement depuis l’espace les plus grandes villes pendant plusieurs jours, avant de quitter le système solaire peu de temps avant l’arrivée de la flotte unifiée.

La révélation des crimes abominables commis par la Ligue sur Porto Solis et Galileo acheva de convaincre les plus pacifistes de l’Union. Tel un tsunami, une vague de haine absolue déferla sur chaque monde de l’Union. Il n’était plus question de négocier ni de se contenter de libérer les mondes occupés : désormais, la Ligue devait être éradiquée.

Le Temps du Mépris

L'entrée en guerre de l'Union survint plus rapidement que ne l'avaient anticipé les prévisions de la Ligue, la forçant à revoir ses plans en urgence. Ses troupes, trop dispersées sur les différents fronts pour défendre efficacement les planètes conquises de l'Union, se résolurent à battre en retraite, conscientes que les garnisons seules ne pouvaient affronter l'armada ennemie en approche. La politique de la terre brûlée, ordonnée par le haut commandeur Kourcharov, visait à ralentir l'inéluctable avancée ennemie, offrant ainsi à la Ligue un précieux répit pour regrouper ses forces en vue d'un affrontement décisif avec la flotte unifiée.

Toujours en proie à quelques rébellions et souffrant d'une pénurie de main-d'œuvre, la Ligue ne put se résoudre à abandonner sur ces mondes cette manne travailleuse désormais vitale à l'effort de guerre. Deux jours après avoir ordonné le retrait d'Olympus, Kourcharov décréta que les populations jugées « aptes » de Porto Solis et de Galileo fussent transportées sur Tel-Var, planète frontalière avec l'Union et riche en ressources stratégiques, afin de compenser les pertes de travailleurs causées par la sanglante répression qui avait saignée leurs rangs après leur précédente rébellion.

L'ordre se conclut par une phrase désormais entrée dans l'histoire et qui allait donner lieu à l'une des guerres les plus sanglantes de l'humanité : « Pour le reste, brûlez simplement tout. »

Titanomachie

Désormais confinée hors des frontières de l’Union, il devint évident que la flotte unifiée porterait sa riposte sur le territoire Al Séan. Pour la première fois de son histoire, la Ligue d’Al Séa fut contrainte de défendre son propre territoire contre une invasion. Face à cette menace, les Al-Séans ne lésinèrent pas sur les moyens. Considéré comme un point de passage stratégique vers Tel-Var, et donc une cible hautement probable pour l’Union, Al-Tavir fut fortifié et transformé en une véritable forteresse, renforcée en orbite par plus d’un tiers de la flotte Al Séanne. Outre sa position géographique stratégique, Al-Tavir, qui abritait le Temple de la Création, constituait le troisième lieu saint de la foi Al Séanne.

Comme prévu, la riposte de l’Union s’engagea sur Al-Tavir lors de ce que l’on surnomma « La Bataille des Titans », ainsi nommée tant par son intensité que par les forces engagées, et qui dura près de 18 heures. Cette bataille historique marqua la première utilisation militaire des canons à plasma. Cette technologie, qui consistait à projeter sur l’adversaire des décharges de matière sous forme de plasma à plusieurs millions de degrés, permettait de faire fondre la plupart des blindages et matériaux. Inconnue des Al-Séans, cette arme se révéla dévastatrice : aucun blindage ni aucun vaisseau ne résista à ses assauts. Néanmoins, la flotte Al Séanne refusa de battre en retraite et combattit jusqu’au bout, tandis que la flotte unifiée, malgré sa supériorité numérique et son équipement, subit également de lourdes pertes. La multitude de défenses orbitales et la détermination farouche des Al-Séans, allant jusqu’à percuter les vaisseaux ennemis dans une ultime tentative désespérée, décimèrent croiseurs et cuirassés, pris majoritairement pour cible.

Privé de ses défenses spatiales, Al-Tavir s’attendit à devoir livrer bataille sur son propre sol. Sa garnison, renforcée pour l’occasion par plus de 300 000 soldats, pouvait également compter sur les 20 millions de fidèles, prêts à défendre corps et âme le troisième lieu saint de leur foi. Déterminés, les Al-Séans se résolurent à faire payer l’Union au prix fort si elle voulait s’emparer d’Al-Tavir. Hélas pour eux, l’attaque sur Al-Tavir visait un objectif tout autre : au DATE_FIXE, aucune troupe de l’Union ne débarqua au sol. Pendant trois jours, la flotte unifiée bombarda sans relâche Al-Tavir. Ses canons à plasma, encore plus dévastateurs sur des cibles terrestres, vaporisèrent bâtiments et individus, éventrant sols et places. Le déluge de feu fut tel que la planète capitula dès la première heure, capitulation réitérées en vain. La flotte unifiée acheva son attaque par l’utilisation de missiles nucléaires nouvelle génération, lancés sur des points stratégiques, plongeant l’ensemble de la planète dans un hiver nucléaire radioactif.

Au départ de la flotte unifiée, en route vers Tel-Var, Al-Tavir n’était plus qu’un caillou radioactif stérile, désormais inhabitable pour plusieurs siècles. Son Temple de la Création ayant été anéantie et ses 20 millions d’habitants exterminés, le ton avait été donné, et le message était implacable.

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